Cordon sanitaire unitaire contre les complotistes

Félicitations à l’ensemble du mouvement social orléanais pour avoir mis en acte la décision de l’intersyndicale vis à vis du collectif conspirationniste  » le citoyen, la citoyenne  » représenté par l’association professionnelle Ysambre lors de la manifestation interprofessionnel du jeudi 27 Janvier à Orléans.

Cliquer ici pour voir le tweet d’un journaliste local à ce sujet

Une écologie réactionnaire comme point d’ancrage aux manifs antivax/antipass?

Comme d’autres thèmes politiques, l’écologie n’échappe pas à une réappropriation par les forces d’extrême droite.
Nous faisons l’hypothèse qu’une écologie réactionnaire parvient aujourd’hui lors des manifs antipass et antivax du samedi à réunir des groupes en apparence assez hétérogènes voire opposés, tels que les écologistes de gauche Colibris, jusqu’à l’Action Française en passant par Réinfo Covid.

Ce courant de pensée agit comme un dénominateur commun à la présence de ces groupes.
Les différentes idéologies qu’il charrie participent toutes au renforcement actuel de l’extrême droite.
Elles se diffusent de manière assez insidieuse en reprenant des thèmes et des mots de la gauche, mais en y inscrivant des signifiants réactionnaires.

Ainsi des idées racistes, essentialistes, conservatrices, autoritaires peuvent s’imposer dans les discours sous des apparences progressistes légitimes.
L’extrême droite détourne des mots classiquement mobilisés par la gauche et entretient, plus ou moins consciemment, des imprécisions et des ambiguïtés à leur sujet.


« Le local »

Il s’agit d’un thème écologiste qu’on rencontre très fréquemment.

Pour l’extrême droite, la localité renvoie principalement à la notion de nationalisme.

Cette notion est beaucoup mobilisée par des groupes comme l’Action Française. Chez eux elle se définit dans une approche fascisante avec Maurras et Pétain.

De manière plus générale, la consommation de produits locaux est encouragée pour assurer un protectionnisme économique et culturel.

Elle permet de préserver une tradition régionale ou française fantasmée.


« Le Peuple, Apolitiques et Citoyens »

Les thèmes de l’apolitisme et de la citoyenneté connaissent beaucoup de succès notamment depuis les révoltes des gilets jaunes. Ils ont tout à la fois été critiqués et mis en avant au cours de leur mouvement.

On les voit aujourd’hui ressurgir chez des groupes confusionnistes tels que Réinfo Covid. Ils sont aussi décrits dans les corpus idéologiques de « l’écologie intégrale » (qui est une branche de l’écologie réactionnaire).
Sur Orléans un groupe rassemble actuellement la majorité des manifestants antipass sous une bannière qui utilise l’ensemble de ces termes.

« L’apolitisme » est surtout utilisé pour imposer l’union obligatoire avec toutes les forces même les plus réactionnaires, sous l’argument de « nous sommes tous.tes des citoyenn.es » ou « nous sommes tous.tes des humain.es » et « peu importe la politique».

Il est étroitement lié à l’injonction de « ne pas diviser ».

Ces thèmes s’appuient sur une définition approximative et fantasmée du « peuple » qui est abordé comme un agglomérat d’individus dont les intérêts seraient homogènes (sans clivages sociaux de classes, de genres ou de races par exemple). Dans cette perspective le peuple serait nécessairement et même « naturellement » unifié.

Ce champ lexical autour de l’apolitisme permet aux groupes qui l’utilisent de ne jamais définir clairement leurs positions politiques et ce qu’elles impliquent concrètement. Il est donc l’objet d’une réappropriation par plusieurs groupes d’extrême droite dans le cadre de leur stratégie confusionniste.

Par exemple l’utilisation dans les manifs anti pass de symboles tels que l’étoile jaune, les références aux personnes malades du sida, à l’apartheid, au viol…etc permettent de brouiller les repères politiques et historiques liés à tous ces phénomènes et événements. L’extrême droite procède depuis longtemps à des retournements et à des falsifications historiques qui l’aident à construire des récits mensongers où les rôles sont souvent inversés.

Si les références au nazisme et aux juifs sont sans doute parmi les plus fréquemment exposées cela n’a rien d’accidentel. Elles alimentent un antisémitisme qui est un point central pour un grand nombre de ces courants politiques.


« Le petit… producteur, petit patron »

Les groupes d’extrême droite choisissent souvent cet angle pour critiquer faussement le capitalisme.

Il y a ici une focalisation sur la taille de l’entreprise (l’entreprise est en fait associée au patron) qui permet de mettre au second plan, voire d’effacer les principes fondamentaux du système capitaliste.

L’extrême droite ne parle pas d’exploitation capitaliste, de propriété lucrative ou de hiérarchie patron/employé. Elle préfère utiliser une approche morale où les petits seraient du côté du « bien » et les gros du côté du « mal ».

On sait pourtant qu’un patron, même petit, tire profit de la force de travail de ses employés, détient un pouvoir supplémentaire lié à son statut, possède (au moins une partie) des moyens de productions.

Le camp réactionnaire n’a en réalité aucun intérêt à porter une véritable critique du capitalisme notamment parce qu’il ne souhaite pas son abolition mais aussi parce qu’il ne peut pas mettre en cause la petite bourgeoisie (les petits patrons) qui constitue une grande partie de son électorat potentiel.

Cette opposition de principe « gros/petit » n’est pas spécifique à l’extrême droite. Elle est aussi mobilisée par des partis de gauche dans une approche anti-néolibérale (qui n’est pas non plus anticapitaliste).

Nous allons voir que l’extrême droite utilise de manière vraiment caractéristique ce cadre moral pour avancer des idées nationalistes et antisémites.


« Les élites, la finance, la mondialisation »

Tous ces termes sont au croisement de plusieurs questions déjà abordées (la localité, les « petits, l’antisémitisme) ce qui explique qu’on les rencontre très fréquemment dans les discours d’extrême droite.

Quand elle mobilise ces mots, l’extrême droite parle en réalité de beaucoup de choses à la fois.
Ils ont pour elle un double intérêt stratégique : ils appartiennent aussi au lexique de la gauche ce qui lui permet d’entretenir des confusions à leur sujet.

Dans l’ensemble, on retrouve la critique mensongère et faussée du capitalisme décrite plus haut.
Toujours dans une approche essentiellement morale, ici c’est l’élite qui est opposée au peuple, comme les 1% face aux 99%.

L’extrême droite se focalise très souvent sur des figures spécifiques, parmi lesquelles beaucoup de figures juives, « franc maçonnes » qui détiendraient le pouvoir de « la finance ». On retrouve ici le lexique traditionnel de l’antisémitisme où les juifs sont associés à un complot mondialement organisé. Le slogan « QUI ? » dans les manifs antipass en est une de ses illustrations les plus récentes.

La critique plus globale du « système » s’appuie sur la notion de « mondialisation ».

Pour l’extrême droite, la mondialisation menacerait la nation. Elle oppose en quelque sorte les deux termes.
La mondialisation est jugée dangereuse pour l’intégrité culturelle, identitaire, ethnique et économique de la France.

Elle sert de justification à l’existence et au renforcement toujours plus impérieux des frontières.


« Si c’est naturel, c’est bien »

La mise en place d’une hiérarchie de principe entre ce qui est naturel et ce qui est « artificiel » est un des éléments les plus importants de l’écologie d’extrême droite.

Dans l’écologie intégrale la nature est souvent sacralisée. Elle est aussi appréhendée comme une entité à conserver, à maintenir dans un état originel fantasmé.

Les approches centrées sur le naturel rencontrent aujourd’hui un succès très important malgré toutes les impasses évidentes qu’elles peuvent susciter.

Par exemple même si l’arsenic et le cyanure sont naturels ils ne sont pas pour autant bons pour notre vie. Si le viol ou le « meurtre » à l’intérieur d’une espèce existent dans la nature, ce n’est pas une justification à ce qu’on les accepte, ou même à ce qu’on les défende dans notre vie sociale.

Nous allons voir que l’écologie d’extrême droite profite de cet engouement pour « la nature » et développe à partir d’elle tout un ensemble de positions politiques conservatrices.


« C’est normal, la nature l’a voulu ainsi »

La première concerne l’imposition de normes sociales « traditionnelles ».

L’extrême droite utilise un procédé de naturalisation de certaines pratiques sociales pour les rendre normales, obligatoires ou indépassables.

Par exemple la sexualité humaine est systématiquement renvoyée à sa fonction dite « naturelle » (c’est à dire essentiellement dirigée vers la procréation) ; les questions de genres (masculin/féminin) tentent d’être fondées sur des données biologiques qui les détermineraient intégralement (« les femmes » sont en règle générale réduites à leurs fonctions reproductrices).

Cette approche permet d’établir des hiérarchies entre ce qui serait « plus naturel » donc « plus normal » et ce qui serait « moins naturel » donc « moins normal ».

Beaucoup de techniques et de pratiques sont mieux disqualifiées en étant associées au « transhumanisme ». Il s’agit d’un épouvantail assez classique des groupes complotistes et écologistes de droite actuellement.

L’écologie réactionnaire s’oppose par exemple, de manière assez consensuelle, à la PMA, à la GPA, au mariage homosexuel ou au droit à l’avortement qui sont associées à des institutions déviantes et éloignées de notre « vraie nature » (cf Pierre Rabhi, Louis Fouché).

La naturalisation est en fait une stratégie de dépolitisation.
Elle essaie de nier le plus possible la dimension sociale (donc potentiellement politique) d’un ensemble de pratiques et d’institutions humaines et plus particulièrement de celles qui sont liées au genre ou à la sexualité.

Comme pour la nature, ces pratiques prennent un caractère tout à la fois sacré et inaccessible et ne peuvent, dès lors, plus être discutées ou transformées.
Nous voyons que l’objectif politique est ici foncièrement conservateur.


« Développez vos propres défenses naturelles et évitez les vaccins, les produits « chimiques »»

Ce mantra a été rendu particulièrement célèbre par les mobilisations antipass sanitaires et anti vaccination. Il fait écho à plusieurs idéologies développées dans l’écologie intégrale.

On retrouve tout le champ du développement personnel qui est adossé à la notion de mérite.

Les individus sont appelés à agir le plus naturellement possible sur leur corps dont ils seraient intégralement responsables (par des exercices physiques, spirituels, ou par l’alimentation).
Les questions de contexte et de normes sociales qui sont pourtant déterminantes pour notre santé ne sont généralement pas prises en compte (notamment l’influence de la production sur la consommation, les inégalités sociales dans l’accès aux soins, à la santé et à l’alimentation).

Il y a aussi l’idée du corps comme création divine liée à la nature sur laquelle il serait dangereux d’intervenir.
On retrouve ici la position des chrétiens bioconservateurs décrite plus haut où le corps « naturel » est sacralisé. Nous avons vu qu’elle justifiait leur opposition à la PMA, à la GPA, ou à la contraception (qui sont jugées comme des techniques et pratiques sociales « contre nature »).

Ces approches idéologiques peuvent êtres mêlées à une sorte de darwinisme ou de loi de « sélection naturelle » dans laquelle ce sont les corps les plus forts, les mieux entretenus par des moyens dits « naturels » qui mériteraient de survivre.

Avec le covid 19, l’extrême droite trouve donc un terrain favorable pour se développer.

Son approche de l’écologie permet d’exacerber des inquiétudes souvent compréhensibles et légitimes puis d’apporter des arguments et des schémas de pensée pour les étayer.

Avec elle, dans le contexte d’une pandémie mortelle, la vaccination peut tout à la fois être associée à du « transhumanisme », à une « menace de la mondialisation » pour ensuite être renvoyée à une question de choix purement individuel.

Les individus revendiquent ainsi une « liberté » où ils seraient seuls responsables, seuls décideurs d’une question qui implique pourtant la collectivité dans son ensemble. Cette revendication a d’autant plus de force qu’elle s’appuie sur un système de valeurs où le naturel est sacralisé et où tout « en dehors » aux frontières nationales (d’où provient le vaccin) apparaît menaçant.

Nous voyons que la dualité nationalisme/mondialisation est là encore utilisée de manière centrale, pour donner un cadre moral au débat politique.


CONCLUSION

Nous avons essayé de synthétiser les positions propres à l’écologie réactionnaire en présentant les arguments les plus ambigus et les lignes politiques les plus fréquemment diffusées actuellement.

Cette liste n’est pas exhaustive. Elle a pour but de clarifier les différences entre un discours anticapitaliste et écologique de gauche et un discours marqué à droite.

Nous voyons que l’extrême droite progresse actuellement en brouillant les repères politiques, en donnant à des mots en apparence assez anodins ou même en apparence marqués à gauche des signifiants réactionnaires.
Grâce à cette stratégie que nous qualifions de « confusionniste » elle parvient aujourd’hui à réunir un grand nombre de personnes et de groupes, à imposer ses mots d’ordre et tout un champ lexical, aussi à diffuser insidieusement ses idéologies.

Il existe bien sûr, comme dans tout champ politique, des clivages internes et des effets d’échelle.
Tous les groupes, toutes les idéologies ne peuvent pas être mises au même niveau de radicalité.

Par exemple, les objectifs fascistes sont centraux et assez explicitement affichés chez l’Action Française quand ils sont beaucoup moins mis en avant dans la branche Reinfo Covid (qui insistent plus de leur côté sur les notions d’apolitisme ou de citoyenneté).

Il n’y a pas non plus d’homogénéité parfaite à l’intérieur du champ : certaines positions politiques peuvent parfois se contredire entre elles.
C’est notamment le cas pour la revendication de liberté.
Quand des personnes affiliées à Réinfocovid ou aux colibris chantent la liberté individuelle, les groupes royalistes les plus radicaux font plutôt référence à la liberté de la nation (face à laquelle la liberté des individus a en réalité peu de valeur).

Les clivages n’empêchent pas l’union de toutes ces forces.
Ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’elles aient fait de l’injonction à « ne pas diviser » un mot d’ordre essentiel et incontournable au sein des mobilisations actuelles.

Il est très important pour nous de ne pas rester impuissants face à l’extrême droite et à toutes les formes qu’elle peut prendre aujourd’hui. Plus particulièrement quand elle s’empare de sujets comme l’écologie qui étendent beaucoup ses moyens d’action.

Cela peut passer par une éducation collective aux mots, symboles et stratégies qu’elle utilise : pour apprendre à les repérer, comprendre leurs origines et pour ne pas alimenter « malgré nous » leur diffusion.


Références : https://www.liberation.fr/debats/2019/05/05/les-droites-dures-s-enracinent-dans-l-ecologie-integrale_1725128/
https://www.liberation.fr/france/2020/05/19/le-localisme-est-une-maniere-de-s-adapter-a-la-demande-electorale_1788879/
https://lahorde.samizdat.net/Qui-sont-les-animateurs-de-Reinfocovid
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/ecologie-integrale-ecofascisme-une-histoire-des-ecologies-identitaires_6014144_3232.html
https://revue.alarmer.org/le-discours-victimaire-de-lextreme-droite-en-france-depuis-1945/

La confusion ennemie numéro un de la lutte

La négation du covid est une idéologie qui sert l’ordre bourgeois.

Le capitalisme est bien mis à mal par l’épidémie, même si les plus riches ont particulièrement bien profité de la crise en accumulant des milliards de bénéfices.

La réalité c’est que sans l’État et son aide apportée au patronat pendant les confinements et les mesures de contrôle de l’épidémie, la bourgeoisie aurait souffert.

Ces aides publiques injectées dans l’économie pour la maintenir ne sont qu’une impasse pour les Etats.

Arrivera le jour où il faudra rembourser et c’est certainement pas le patronat qui sera visé par ce système, mais bien les travailleurs

La confusion c’est aussi celle qui concerne les mobilisations contre le pass sanitaire où la notion de discrimination est invoquée sans soulever toutes les discriminations antérieures : avec le contrôle des quartiers populaires, les contrôles au faciès menés par la police et donc aussi celle qui les structure toutes —-> le racisme.

Cette invisibilisation qui est menée au prétexte de « l’Union sacrée » de la « convergence » ou du « il ne faut pas diviser » est bien un acte politique adossé à une idéologie.

La convergence et l’union de qui ? De quoi?

Regardez la rue et la prolifération de l’extrême droite, la récupération politique de Florian Philippot.

Tous ces éléments nous donnent des indices pour comprendre qu’une lutte qui traite le racisme ou la xénophobie comme des sources de division est en fait une lutte qui ne nous appartient plus.

Photo d'une banderole complotiste en manifestation "on nous manipule par la peur on nous menace par la santion pass + QRCode = Discriminations"